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SAINT JOHN PERSE
Voici un passage de "Chronique" (Gallimard.)
Grand âge, nous voici. Rendez-vous pris, et de longtemps, avec cette heure de grand sens.
Le soir descend, et nous ramène, avec nos prises de haute mer. Nulle dalle familiale où retentisse le pas de l’homme. Nulle demeure à la ville ni cour pavée de roses de pierre sous les voûtes sonores.
Il est temps de brûler nos vieilles coques chargées d’algues. La Croix du Sud est sur la Douane ; la frégate-aigle a regagné les îles ; l’aigle-harpie est dans la jungle, avec le singe et le serpent-devin. Et l’estuaire est immense sous la charge du ciel.
Grand âge, vois nos prises : vaines sont-elles, et nos mains libres. La course est faite et n’est point faite ; la chose est dite et n’est point dite. Et nous rentrons chargés de nuit, sachant de naissance et de mort plus que n’enseigne le songe d’homme. Après l’orgueil, voici l’honneur, et cette clarté de l’âme florissante dans l’épée grande et bleue.
Hors des légendes du sommeil toute cette immensité de l’être et ce foisonnement de l’être et tout ce pouvoir d’être, ah ! tout ce très grand souffle voyageur qu’à ses talons soulève, avec l’envol de ses longs plis – très grand profil en marche en marche au carré de nos portes – le passage à grands pas de la Vierge nocturne !
Tags : Poésie, Saint John Perse, Chronique, grand âge
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Commentaires
Pas de demeure, seul le passage importe.
Ils sont rares, ceux qui savent encore le dire dans "le grand âge".
Une superbe exaltation de la vie au grand âge : tout y est encore à réaliser même si tout semble accompli.
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(...On aurait presque envie d'atteindre vite le grand âge, quand c'est si joliment présenté...
Un jour, j'écrirai aussi bien, c'est sûr ! D'abord !... )
Bonsoir Nounedeb, merci pour ce partage littéraire.
FP