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Comment évoquer la fin de vie, la mort puis les obsèques d'un père, artiste plein d'humour, avec autant de tendresse, de fantaisie, d'émotion? : "Alors c'est bien" chez Gallimard.
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J’en arrive à la fin de l’œuvre (pour la troisième fois, et je me rends compte combien c’était nécessaire pour pouvoir savourer au mieux sa géniale et humoristique complexité). De « La prisonnière » à « La fugitive » et à « Le temps retrouvé », il y a un crescendo vertigineux d’analyses, de psychologie, de réflexions, quand soudain l’auteur conçoit son œuvre sur le Temps quasiment en son entier en même temps que la nécessité d’enfin l’écrire. Tout s’éclaire à tel point que j’aurais presque envie de reprendre au début pour nouvelles découvertes. Tout s’éclaire et aussitôt tout se brouille car ce diable de narrateur (qui est l’auteur ?), dans un hommage éperdu à la littérature, à l’art, aux créateurs, montre comme se mêlent dans le Temps réalité, souvenirs et imaginaire, et toute ébahie, j’ai l’impression, par ma réflexion même, d’être entrainée moi aussi parmi les personnages de « La recherche ». Proust me donne plus loin raison en écrivant à propos de ses futurs lecteurs : « Car ils ne seraient pas, selon moi, mes lecteurs, mais les propres lecteurs d’eux-mêmes,… ». Puis vient l’extravagante et assassine galerie de portraits sur les ravages de la vieillesse.
Le narrateur est devenu Proust. Il a fait ce qu’il a écrit. Il s’est alité, reclus, pour écrire son Œuvre ; il est mort avant le naufrage avilissant du grand âge et c’est bien.
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Souvenirs en vrac, à la manière de Françoise Héritier dans "Le sel de la vie"
- sentir ses orteils s’ouvrir en éventail dans de confortables chaussures. – éveiller un sourire chez quelqu’un que l’on croise (pourquoi ?) – être émue d’un sourire – s’émerveiller de jeunes cyclistes qui passent le feu cabrés sur une roue – écouter l’appel clair des mésanges – entendre tout d’un coup, et l’écouter, un sifflement dans l’oreille – sentir le vent s’engouffrer dans sa chemise en descendant, plein pot, à vélo, le raidillon de Beloire – écouter les grains de pluie tomber comme grains de riz sur le toit de la véranda – regarder les ageasses hocher la queue avec insolence – grimper, enfant, dans le cyprès pour y lire tranquille, un peu inquiète des balancements de l’arbre par grand vent – avoir regardé avec gourmandise des « Nous Deux » dans le grenier de madame Delaigle à Trangis, et fureté dans celui de monsieur Guindey au-dessus des garages – avoir longtemps gardé sur mon répondeur un message dont le timbre de voix était superbe et regretté quand je l’ai effacé – avoir participé avec plus ou moins de succès au « Baiser de la matrice » : lectures aléatoires de pages de Proust par internet (en 2008 ?) – avoir eu un minitel, puis un des premiers ordinateurs familiaux, pour Erwan – rire des petits distribils et s’angoisser des gros – avoir sauvés une mésange puis un lérot apportés vivants dans ma chambre par ma chatte noire – avoir « chevauché » à Trangis le vieux vélo de Mamou en le conduisant avec des rênes de ficelle attachée au guidon – sifflé pour répondre à un merle persuadée que nous dialoguions – se demander pourquoi tant de types vont coiffés de bonnets, casquettes, capuches – savourer le parfum d’une framboise en la pressant doucement entre la langue et le palais – et si c’était l’amour, et donc le chagrin de la perte, qui avait conduit les premiers hommes à inhumer leurs morts ? – faire l’amour dans la mer : noyade ? – c’est dur de reconnaître avoir eu tort, cela nous grandit – fière d’avoir apprivoisé mon idiote appréhension des couleuvres – avoir enfin réussi à faire la posture sur la tête grâce à Martyn : question de confiance – quand j’étais jeune les sous-vêtements noirs faisaient très mauvais genre – avoir plein de défauts plus la paresse – accorder le plus grand crédit à l’honnêteté intellectuelle – m’être lancée par impulsions qui ont orienté ma vie – avoir été saluer rituellement Dürer en son autoportrait chaque fois que j’allais au Louvre, qui était gratuit le dimanche – avoir découvert la place des Vosges bien avant qu’elle ne soit connue et bien cracra, y être allée de temps en temps m’imprégner de son atmosphère particulière – avoir chanté à tue-tête mes airs préférés à vélo dans le marais vers Meschers – combattre inlassablement mes passions tristes – adorer faire de l’humour qu’hélas personne ne comprend – s’émerveiller des premiers chants d’oiseaux, des amandiers et mimosas en fleurs, etc – à rire quand soudain un énorme camion obscurcit la cuisine – avoir médité au petit matin dans la cour carrée du Louvre – avoir eu la chair de poule en restant seule, au musée d’Orsay, devant Monet, Cézanne…Odilon Redon… - faire le vœu qu’à ma mort on rira de bon cœur de cette de cette naïve et folle, un peu poète – avoir été assaillie par un dense essaim de moucherons en allant déposer mes épluchures dans le bac collectif dédié – lire dans le hamac de la véranda au chaud soleil de Février – regarder passer les grains quand on est à l’abri – être angoissée par ceux qui ont des certitudes – si survivre n’est plus vraiment vivre, être un sous-fifre est-ce jouer mal du pipeau – être fière d’avoir monté seule le dressing commandé à la Camif – avoir acheté par erreur des chips goût « beurre salé », beurk – avoir fait un commentaire musical sur une œuvre de Sibelius qui a été lu sur France musique par Jérémie Rousseau – s’esbaudir que les cuisinières, si petites soient-elles, s’appellent des pianos – quel moral peuvent avoir les ados, ils sont tous en noir – avoir vu derrière la vitre de la véranda le charmant spectacle d’une petite araignée attrapant un moustique – avoir croisé trois ados qui m’ont dit « bonjour madame », j’ai répondu « bonjour jeunes hommes », ils se sont esclaffés – passionnants, les liens improbables qui se tissent entre mes lectures : Proust, Alain Finkielkraut, Philippe Val, Thomas Schlesser (les yeux de Mona) – épouvantée par les jeunes robots sûrs d’eux qui tractaient pour Bardella – je me souviens de l’expérience majeure à Poitiers au « Confort moderne » en 1992, seule dans une installation de James Turell, semi-aquatique – avoir échoué à initier un texte de conclusion sous forme de poème collectif après un café-philo à la médiathèque – avoir ouvert la porte au « Printemps » de Botticelli, c’était Nils – souvenir de la poêle sans queue que Mamou aimait tant – avoir regardé coup sur coup deux « Eugène Onéguine », puis deux « Roméo et Juliette », puis deux « madame Butterfly » tous exceptionnels – avoir offert, par Mamou, une pince à sucre aux anglais qui n’utilisaient que du sucre en poudre – se réjouir de toujours apprendre de la vie – penser à Brancusi – écouter la rythmique étonnamment variée et complexe de la pluie s’écoulant dans le chéneau de la véranda – pleuvoir des hallebardes, on ne peut mieux dire – avoir regardé passer la flamme olympique – perdre la boule en ayant toute sa tête, jeu de massacre ? – avoir laissé la voiture à Minerve, seule sous le cagnard, et remonté le cours du Brion à l’ombre de ses arbres jusqu’à une vasque pour m’y baigner, fraîcheur délicieuse, moment parfait – se demander s’il y a un lien sémantique entre gardable et regardable - avoir passé un moment joyeux à la Toussaint devant la tombe de Mamou, en famille, mangeant du gâteau breton – avoir fait un tour de parachute ascensionnel, et un d’ULM - ...
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"La Bedondaine des tanukis", chez Zulma.
Que cela fait du bien de lire quelque chose de si drôle, si exotique, d'un humour qui peut être grivois et même scatologique, mais à la japonaise, alors c'est aussi très délicat... J'imaginais certaines scènes comme tirées du film "Rashomon", ma lecture en a été d'autant plus savoureuse, grâce aussi à la traduction de Jacques Lalloz.
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« L’épanouissement de l’individu, ce n’est pas le libéralisme, mais la liberté organisée et contrôlée par la liberté des autres et par les contraintes de la vie collective et de la condition humaine. »
De Dominique Schnapper, sociologue et politologue, dans le grand et bel article sur la démocratie qu’elle vient d'écrire dans Franc-Tireur n° 149.
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J'essaie de donner à mon petit fils le goût des mots, du beau langage. Nous avons parlé de ce terme sonore et il s'est plongé dans le Larousse en 15 volumes pour en connaître le sens exact. Je l'avais utilisé dans ce poème que je ressors des profondeurs de ce blog :
Dans l’insecte imago et dans la pâquerette
J’ai vu le monde.
Dans l’enfant confiant, dans la pluie diffractée, dans la mer
Le monde s’est offert.
Dans le cri de l’oiseau, dans tout le ciel,
J’ai entendu le monde.
Dans le chèvrefeuille parfumé, le crottin, le purin,
Dans l’ortie vagabonde et haïe
J’ai su le monde.
Dans un jeune homme heureux
J’ai aimé le monde.
Et mon cœur s’est serré.
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En ce temps pas encore de jeux olympiques, sans doute moult baignades dans la Seine, mais Paris déjà porté aux nues…
Ballade de Paris
Quand j’ai la terre et mer avironnée,
Et visité en chacune partie
Jérusalem, Égypte et Galilée,
Alexandrie, Damas et la Syrie,
Babylone, Le Caire et Tartarie,
Et tous les ports qui y sont,
Les épices et sucres qui s’y font,
Les fins draps d’or et soie du pays,
Valent bien mieux ce que les Français ont :
Rien ne se peut comparer à Paris.
C’est la cité sur toutes couronnée,
Fontaine et puits de sens et de clergie,
Sur fleuve de Seine située :
Vignes, bois a, et terres et prairie.
De tous les biens de la mortelle vie
A plus qu’autres cités n’ont ;
Tous étrangers l’aiment et l’aimeront,
Car, pour déduit et pour être jolis,
Jamais cité telle ne trouveront :
Rien ne se peut comparer à Paris.
Mais elle est bien mieux que ville fermée,
Et de châteaux de grande ansecerie,
De gens d’honneur et de marchands peuplée,
De tous ouvriers d’armes, d’orfèvreries ;
De tous les arts c’est la fleur, quoi qu’on die :
Tous ouvrages adroits font ;
Subtil engin, entendement profond
Verrez avoir aux habitants toudis,
Et loyauté aux œuvres qu’ils feront :
Rien ne se peut comparer à Paris.
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Je commence à relire « Ostinato » de Louis-René des Forêts, suite poétique et philosophique sur sa vie.
Et voici, après quelques pages - sachant que le livre a été publié en 1997 :
« Le désastre public sanctionné par l’ignorance, l’avilissement, les aberrations de l’esprit, les discordes, tous les décrets et spoliations qui préparent aux grands ouvrages de la mort. »
Je voudrais rajouter ceci:
Un livre poétique profond, d’un style fluide, précis, rythmé, des phrases très longues et claires cependant, qui me font vibrer comme de la musique. Une oeuvre intemporelle.
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