• ST. JOHN PERSE

    Chère Jeanne, je t'offre aujourd'hui un extrait de "Oiseaux" de St. John Perse.

    X

      Gratitude du vol!...Ceux-ci en firent leur délice.

      Sur toutes mesures du temps loisible, et de l'espace, délectable, ils étendent leur loisir et leur délectation: oiseaux du plus long jour et du plus long grief...

      Plus qu'ils ne volent, ils viennent à part entière au délice de l'être: oiseaux du plus long jour et du plus long propos, avec leur front de nouveau-né ou de dauphin des fables...

      Ils passent, c'est durer, ou croisent, c'est régner: oiseaux du plus long jour et du plus long désir...L'espace nourricier leur ouvre son épaisseur charnelle, et leur maturité s'éveille au lit même du vent.

      Gratitude du vol!...Et l'étirement du long désir est tel, et de telle puissance, qu'il leur imprime parfois ce gauchissement de l'aile qu'on voit, au fond des nuits australes, dans l'armature défaillante de la Croix du Sud...

      Longue jouissance et long mutisme... Nul sifflement, là-haut, de frondes ni de faux. Ils naviguaient déjà tous feux éteints, quand descendit sur eux la surdité des dieux...

      Et qui donc sut jamais si, sous la triple paupière aux teintes ardoisées, l'ivresse ou l'affre du plaisir leur tenait l'oeil mi-clos? Effusion faite permanence, et l'immersion, totale...

      A mi-hauteur entre ciel et mer, entre un amont et un aval d'éternité, se frayant route d'éternité, ils sont nos médiateurs, et tendent de tout l'être à l'étendue de l'être...

      Leur ligne de vol est latitude, à l'image du temps comme nous l'accomodons. Ils nous passent toujours par le travers du songe, comme locustes devant la face... Ils suivent à longueur de temps leurs pistes sans ombrage, et se couvrent de l'aile, dans midi, comme du souci des rois et des prophètes.

    (Gallimard. NRF. Oeuvres complètes)


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  • Commentaires

    8
    Samedi 19 Mai 2012 à 09:20
    chloé
    Belle élévation qui inspire et nous fait prendre de la hauteur et peut être un nouvel essor! Je ne connaissais pas ce texte! Merci de l'avoir partagé et de me l'avoir fait découvrir! Chloé
    7
    Samedi 12 Mai 2012 à 16:18
    flipperine
    que c'est beau les oiseaux
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    6
    Vendredi 11 Mai 2012 à 13:09
    jill-bill.over-blog.
    Bonjour Noune... magnifique écrit, je découvre ! Merci.... bonne fin de semaine à toi ! Jill
    5
    Vendredi 11 Mai 2012 à 07:48
    Servanne-V
    Merveilleuse poésie que celle de Saint John Perse !
    merci pour ce moment envolé !
    4
    Jeudi 10 Mai 2012 à 15:21
    Lenaïg Boudig
    Coucou Noune. Chez toi on s'envole sur les mots de St John Perse qui sont assez ardus, mais voler n'est pas facile (!) quand on n'a pas l'habitude et c'est vrai que, de plus, il est mieux de lire tout haut. Belle soirée sur les ailes des oiseaux.
    3
    Jeudi 10 Mai 2012 à 12:47
    Rose
    Voler, ce doit être merveilleux... voir tout d'un autre point de vue, prendre de la hauteur et se laisser porter dans la liberté!
    Merci pour ce beau partage, Nounedeb!
    Bises
    Rose
    2
    Jeudi 10 Mai 2012 à 10:58
    Monelle
    Merci pour cet extrait !
    Bonne journée - bisous
    Monelle
    1
    Jeudi 10 Mai 2012 à 09:01
    michelaise
    Oh les élégantes allitérations...
    Nul sifflement, là-haut, de frondes ni de faux : tout en frou frou
    Leur ligne de vol est latitude, à l'image du temps comme nous l’accommodons. : en ailes bien sûr
    Un beau texte comme tu sais si bien les dire ! sans vile flatterie de ma part, c'est vrai !
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